mardi 24 mai 2022

Les épillets - c'est reparti !



Les épillets de graminées ont la particularité de s'accrocher aux poils de nos chiens ou de nos chats à la fin du printemps et à l'été (surtout par temps sec). L'inconvénient c'est qu'ils ne peuvent ensuite progresser que dans un sens: leur bout pointu perfore la peau et les tissus sous-cutanés et ensuite il ne peut que continuer à avancer.

Ils pénètrent essentiellement dans les oreilles, mais peuvent se retrouver dans le nez, les yeux, la bouche, les voies génitales, entre les doigts, sous la peau, et puis ils "migrent" ... 

Pendant la saison des épillets, il faut présenter rapidement tout animal qui (entre autres) penche la tête, se secoue la tête, a un œil fermé, se lèche constamment entre deux doigts, se met brutalement à éternuer ou tousser, après avoir transité dans un endroit où l'on peut trouver des épillets. 

Le retrait d'un épillet est parfois facile, en un coup de pince, parfois beaucoup plus compliqué : un épillet qui a migré dans l'abdomen ou sous la peau après avoir provoqué un gros abcès peut nécessiter plusieurs interventions, des heures d'exploration, sans aucune garantie d'être retrouvé. Un épillet parti dans le poumon nécessitera une endoscopie, et parfois une chirurgie thoracique ...

La meilleure des préventions consiste à tondre-raser les chiens à risque pendant la période concernée.
On pensera à la face interne des oreilles des cockers en particulier, à l'extrémité des pattes des chiens poilus, au ventre des chiens à poils longs, et surtout on évitera de promener sans laisse son chien dans des zones remplies d'herbes sèches et hautes.

Dans les cas où l'épillet malencontreux est là : agir vite limite la progression de cet encombrant corps étranger et favorise un retrait rapide.

Mais qu'est-ce qu'un épillet ?

Les épillets sont des épis de graminées sauvages (le plus souvent Hordeum murinum, ou orge des rats, cf. photo 1). Ils ont des noms ou des appellations locales en fonctions des régions.
Ils ont la capacité de s'accrocher à toute surface filamenteuse (vêtement mais aussi pelage animal) et ne peuvent ensuite que progresser dans une direction. Leur extrémité pointue perfore les tissus y compris la peau.

Les conséquences pour mon animal :

Avec le chien, l'épillet fonctionne comme sur un pull: il s'accroche dans les poils, et commence à avancer. Quand la pointe arrive au niveau de la peau, il la perfore et continue son petit bonhomme de chemin, toujours dans le même sens, toujours plus profond. Il peut aussi profiter d'un orifice naturel (oreille, nez, fourreau, vagin, anus ... ) pour s'introduire dans l'organisme.
Les épillets bien secs de juin-juillet sont plus dangereux que ceux bien verts de début de printemps.

Dans le détail, ils peuvent rentrer:

Dans les oreilles:
Et c'est de loin la localisation la plus fréquente! Lorsqu'un chien se met brutalement à secouer la tête ou avoir une démarche tête penchée, il faut suspecter un épillet. D'autant plus s'il refuse qu'on y touche et si l'oreille suppure ou sent mauvais ...
L'épillet s'accroche aux poils de l'entrée de l'oreille (les races à oreilles tombantes et bien poilues telles le cocker sont les plus visées) puis progresse alors vers le tympan. Il arrive même qu'il perfore le tympan et se retrouve dans l'oreille moyenne (rare mais très embêtant).
Il arrive que l'on retrouve à la faveur d'un examen de routine un épillet bien enrobé de cérumen qui a passé un petit moment bien au chaud dans l'oreille du toutou. Le hasard aura fait qu'il s'était logé là l'été dernier, à un endroit qui n’embêtait pas le chien, mais peut à la faveur d'une nouvelle mobilisation engendrer une belle otite.
Notons d'ailleurs que ce ne sont pas la taille ou le nombre des épillets qui importent: certains chiens auront des symptômes importants avec de tous petits épillets, voire un seul minuscule alors que d'autres attendront d'avoir fait une belle réserve pour se plaindre.


Dans le nez: 
Autre localisation fréquente, le chien renifle dans les hautes herbes, et hop l'épillet profite d'un petit coup de nez pour se glisser dans une narine. Le chien éternue alors, parfois même si violemment qu'il peut saigner de la narine concernée. Même si un morceau de l'épillet dépasse d'une narine, il est quasi impossible de le retirer sans anesthésier l'animal.
Généralement l'épillet se coince dans les cornets nasaux, et nécessite donc une prise en charge chirurgicale. Il arrive parfois qu'il puisse migrer dans les poumons et le cas est alors bien plus inquiétant.

Dans l’œil:
Si le chien ou le chat revient avec un œil fermé, généralement suintant et douloureux, n'attendez pas pour nous le montrer. Un épillet intra-oculaire engendre quasi systématiquement un bel ulcère par le frottement engendré sur la cornée, sa prise en charge doit être rapide pour limiter les conséquences d'un tel corps étranger (au pire des cas: perforation de la cornée et de l’œil et donc animal borgne par la suite). 
Ce retrait s'effectuant là aussi sous anesthésie.
N.B. : Le chat attrape moins d'épillets que le chien, mais lorsque c'est le cas, c'est généralement l’œil ou les narines qui sont concernés.




Dans la bouche:
Certains animaux mangent de l'herbe ... pour qui pour quoi, c'est un autre problème. Il leur arrive donc de se retrouver avec un épillet planté dans la gorge au niveau des amygdales, ou planté dans la gencive ... Rien de bien méchant tant que l'épillet ne migre pas (possibilité d'abcès sous mentonnier, rétro-orbitaire ... ça, ça peut devenir inquiétant).

Dans les voies génitales:
Portes d'entrée faciles pour un épillet, la vulve ou le fourreau de votre animal. L'épillet peut y rester coincé ou migrer comme partout ailleurs: on peut se retrouver avec des abcès sous-cutanés ventraux, ou une péritonite si l'épillet migre de la vulve dans le vagin puis du vagin dans une corne utérine, qu'il peut ensuite finir par perforer ...

Sous la peau:
Il n'y pas de porte d'entrée privilégiée: l'épillet s'accroche dans les poils, puis pénètre sous la peau de votre animal. Il chemine dans le tissu sous-cutané en créant des fistules (trajet de passage de l'épillet).
Les épillets pénètrent souvent entre deux doigts, où la peau est fine et chemine entre les gaines tendineuses et les muscles des doigts, parfois sur un trajet très long. On peut ne pas retrouver dans la patte un épillet rentré depuis plusieurs jours entre deux doigts.


Plus rarement: dans le poumon:
Si votre chien revient après avoir couru en toussant fortement, il est probable qu'un épillet ai pu pénétrer les voies respiratoires.Il vaut mieux tacher de récupérer le plus rapidement possible cet épillet, qui sinon, continuera son chemin comme à sa mauvaise habitude.

Que faire ?

Le traitement consiste à retirer l'épillet responsable. Ce qui est parfois bien plus facile à dire qu'à faire.


Si la localisation est l'oreille ou l’œil, c'est généralement l'affaire de quelques minutes sous sédation. On tranquillise l'animal et on retire le responsable avec une pince ad-hoc. Il restera ensuite à traiter les éventuelles conséquences du passage de l'épillet, mais la cause du mal est retirée.

Si l'épillet est rentré sous la peau: les choses se compliquent ...
On commence par explorer la fistule avec une pince spécifique très fine et très allongée ... Il faut de l'expérience et aussi un peu de chance. Si malheureusement la recherche se solde par un échec, il faut passer par la casse chirurgie: on recherche alors l'épillet le long de la fistule ou parfois au cœur d'un bel abcès ...  Il arrive, malheureusement bien trop souvent à notre goût, même si c'est rare, que l'on ne retrouve pas le coupable. Le chien est alors mis sous anti-inflammatoires et antibiotiques, et on peut être amené à retenter sa chance une fois les tissus désenflammés. Rassurez-vous, les recherches difficiles nécessitant plusieurs interventions sont finalement assez rares, même si ce sont celles dont on se souvient le plus souvent.

Si l'épillet est passé par voie naturelle: s'il ne s'est pas trop engagé, le problème reste simple: on isole le coupable et on le retire avec le matériel adéquat., toujours sous anesthésie.
Evidemment si l'épillet a pénétré plus avant on peut être amené à utiliser un endoscope, voire même réaliser une chirurgie abdominale compliquée ...

Comment empêcher ça ?

On ne peut jamais avoir de risque 0, mais on peut limiter les risques. Il suffit de :

Pour l'animal:


  • tondre les extrémités de votre animal jusqu'au dessus des phalanges,
  • tondre le pavillon auriculaire pour minimiser l'accroche des épillets,
  • pour les chiens à poils longs: tondre le ventre 2 à 3 fois dans la saison concernée,
  • ou même tondre intégralement l'animal (même si le côté esthétique est discutable) pour limiter le problème des épillets, mais aussi des macérations avec la chaleur, 
Pour l’environnement:
  • en rasant les herbes hautes du jardin, en éliminant les restes de la tonte, même si le chien trouvera toujours le seul qu'on a oublié, les risques seront minimisés,
  • en évitant les endroits à herbe haute et sèche à la saison, même si c'est parfois compliqué, l'idéal est de sortir le chien en laisse dans les lieux à risques et de l'éplucher en rentrant à la maison.

Pour éviter les complications:
  • présenter votre animal au moindre signe évocateur, pendant les mois d'été
  • s'il secoue la tête
  • s'il tousse
  • s'il éternue,
  • s'il se lèche compulsivement les doigts ou s'il "boitouille",
  • s'il garde un œil fermé,
  • si vous observez un petit abcès entre les doigts ou sur le ventre,
  • si votre chienne a des pertes,
  • si votre chien passe son temps à se lécher le fourreau
Il est alors temps de consulter.